Repartir.
Repartir avec l'idée que j'étais dans une pièce qu'il va falloir encore quitter. Le voyage se termine toujours brusquement, par un atterrissage ailleurs. Faire à nouveau ses premiers pas sur un sol étranger. Se prendre ce nouveau souffle en pleine face et prétendre avancer du même élan.
Voyager tout le temps, pas comme un touriste, comme un indigène. Devoir s'adapter à ce nouvel environnement, là où aucun animal, aucune plante, ne saurait le faire. Muer. Changer de peau, se sauver de peu, retrouver sa voix profonde, un absolu, son absolu, à reformer ici en territoire étranger.
À l'âge d'un an, ma mère qui n'avait connu alors que l'intimité des bras parfumés à la violette de ses grands-parents, le ciel et l'onde de la Dordogne, atterrissait les pieds nus à Dakar, emportée par sa mère. Quitter une pièce et brusquement atterrir dans une autre avec la même urgence de s'adapter. Non pas pour changer, mais pour réussir à être soi partout.
Je pense aussi à mon grand-père paternel, fils des champs, parachuté sur le champs de bataille, puis emprisonné pendant trois ans. Rester soi dans chaque pièce. Muer. Se "dépeausséder". Pas d'autre choix.
Se connait-on jamais vraiment ? Muer sans cesse, se découvrir, se dépeausséder, chaque peau jusqu'à la dernière. À la fin, il ne reste que le nom, première et dernière peau, gravé sur une pierre.
Puisque tout est question de temps, de mue, alors tout est "peaussible".
Voyager sans se fixer de destination, si ce n'est celle d'aller à soi, toujours, ailleurs.
Image vue sur pollysi