« juin 2013 | Accueil | août 2013 »
Rédigé à 08:51 dans J'aime les artistes, J'aime les histoires, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (2)
Repartir.
Repartir avec l'idée que j'étais dans une pièce qu'il va falloir encore quitter. Le voyage se termine toujours brusquement, par un atterrissage ailleurs. Faire à nouveau ses premiers pas sur un sol étranger. Se prendre ce nouveau souffle en pleine face et prétendre avancer du même élan.
Voyager tout le temps, pas comme un touriste, comme un indigène. Devoir s'adapter à ce nouvel environnement, là où aucun animal, aucune plante, ne saurait le faire. Muer. Changer de peau, se sauver de peu, retrouver sa voix profonde, un absolu, son absolu, à reformer ici en territoire étranger.
À l'âge d'un an, ma mère qui n'avait connu alors que l'intimité des bras parfumés à la violette de ses grands-parents, le ciel et l'onde de la Dordogne, atterrissait les pieds nus à Dakar, emportée par sa mère. Quitter une pièce et brusquement atterrir dans une autre avec la même urgence de s'adapter. Non pas pour changer, mais pour réussir à être soi partout.
Je pense aussi à mon grand-père paternel, fils des champs, parachuté sur le champs de bataille, puis emprisonné pendant trois ans. Rester soi dans chaque pièce. Muer. Se "dépeausséder". Pas d'autre choix.
Se connait-on jamais vraiment ? Muer sans cesse, se découvrir, se dépeausséder, chaque peau jusqu'à la dernière. À la fin, il ne reste que le nom, première et dernière peau, gravé sur une pierre.
Puisque tout est question de temps, de mue, alors tout est "peaussible".
Voyager sans se fixer de destination, si ce n'est celle d'aller à soi, toujours, ailleurs.
Image vue sur pollysi
Rédigé à 13:49 dans J'aime les artistes, J'aime les histoires | Lien permanent | Commentaires (1)
Esmeralda et Quasimodo 2013. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme. Elle déborde toujours, pénible, épuisante. Lui se vide, voudrait disparaître peut-être et pourtant reste, laisse partout ses traces invisibles. Les mensonges inutiles et décevants, toujours. Ici le puit où elle les jette. Elle n'en veut plus.
Elle veut la vie, le souffle, les peaux douces qui se touchent et les regards aussi. Elle veut les regards francs, ceux qui disent plus. Elle veut plus. Il y a six mois elle dansait sur "le Geyser et le musicien", aujourd'hui sur "le menteur et l'insatiable", doux glissement de la vie. Le fleuve toujours, ses eaux froides et ses courants dans lesquels ils se laissent prendre, et ces rives qui ne se rejoignent jamais. Le couple... Ceux qui savent être une île.
Esmeralda, aimer l'espoir et danser, esperer qu'on aimera et danser. Quasimodo, quasi aimé, quasi dit à demi mot.
Diseuse de bonne aventure lisant sur la ligne, entre les lignes, les phrases mentent mais pas les mots. Je t'entends lui dit-elle. Je n'aime pas les menteurs.
Tableau Rob Scholtz
Rédigé à 11:58 dans J'aime les histoires | Lien permanent | Commentaires (1)
Je ne vous épargne rien. Presqu'aucun secret. Vous les badauds qui venez marcher le long de ma plage. Tous les jours vous venez vous prendre votre vague, parfois longue et lente, caressant les orteils, parfois rugissante jusqu'au genoux. Mon laboratoire est ouvert à tous, mais il est à moi et je n'ai rien à retenir. Tant pis pour vous si vous repartez mouillés. Il n'y a d'intime que ce qui est touché, le reste... intimidé... peut rester dans un tiroir, jamais porté.
C'est le possible qui s'ouvre à nous ce matin sur cette plage. Hypothèse 1 : plier cette nouvelle lingerie dans un petit sac en soie, la ranger dans un tiroir, savoir qu'elle est là, que quelque part elle fait partie de moi. Hypothèse 2 : porter cette lingerie juste pour moi, être la seule à savoir. Se sentir femme quelques instants, comme ces femmes qui savent se faire épouser. Hypothèse 3 : trouver un homme qui saurait comprendre qu'il n'y a rien à enlever, juste écouter l'histoire que l'on a envie de raconter, et se laisser accompagner.
Toutes ces possibilités... Une chance que l'on ait plusieurs vies.
Rédigé à 06:10 dans J'aime les histoires, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (13)
Il est des hommes qui sont attirés par la lumière, les couleurs et la grâce légère de la Papillon. Ils suivent une éffluve parfumée et roarrrr se font avaler par la Lionne qui n'en fait qu'une bouchée, recrachant quelques os laissés à la poussière. Il est d'autres hommes, plus sombres ceux là, qui chassent la Lionne. Ils restent tapis dans la jungle pendant des heures à guêter les humeurs, les étirements et observer les poils plantés comme des armées. Ceux là, plus maniacs, se lassent bien vite de jouer au filet avec la Papillon.
Ce matin, j'ai commencé à lire "La folle allure" et je suis totalement réconciliée avec Christian Bobin, totalement réconciliée avec l'amour, avec ma Lionne et ma Papillon. Le monde va aller mieux puisque je viens de déplacer la première pierre. Ah je rebadine, je rebadine, c'est bon signe.
Rédigé à 14:57 dans J'aime les artistes, J'aime les guides, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (2)
Il m'arrive très rarement d'être seule plus de 24 heures. Mon fils, mes amis, ma famille... J'aime voir et toucher les autres. J'ai tendance à toujours trouver la présence d'autrui rassurante, même silencieuse. Mais alors je m'encombre de petites maladies stupides pour attiser en permanence ce foyer, le faire brûler de joie, qu'il ne s'éteigne jamais. Je m'en écoeure à trop nourrir, trop aimer, trop sacraliser. Ces quelques jours d'isolement sont une véritable cure de désintoxication. Par petites bouchées, par petites pensées, je réorganise l'espace de ce cerveau ou de ce coeur surchargé et je le débarasse de ces encombrants. De ces plus hautes branches devenues des souches. Une petite diète salutaire en somme. Il reste de la place pour tous, et je n'envisage pas d'aimer moins, mais peut-être mieux. Je tente.
Je viens de finir "Louise Amour", J'ai adoré le début, j'ai détesté la fin. Entre la première et la dernière page, quelque part, j'ai changé.
Tableau de Misato Suzuki Early summer rain - "Louise Amour" de Christian Bobin, éditions Gallimard
Rédigé à 10:53 dans J'aime les guides, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (1)
Rien n'est plus doux que les réveils ici, là, dans ces draps blancs, dans cette grande chambre, aux grandes fenêtres. Par terre le parquet épais, large. Sur ma tête, le ciel sans fond comme si le plafond était si haut qu'il ne bordait pas l'espace du lit. Ici, je me sens plus grande, plus longue, plus fine. Perspective nouvelle. La dimension, la lumière, les ombres douces, je suis en paix. Prête à donner plus et à lâcher davantage.
Je connais bien cette maison. C'est la maison de ma vie nouvelle. Cinq ans déjà, que chaque été, je fais ce voyage vers mon autre moi. Je collectionne ces petites semaines précieuses dans mon coffre à souvenirs, cette boîte à musique qui me fais danser quand je l'ouvre. Il ne s'agit pas de me ressourcer puisque je n'y retrouve pas mes racines, mais plutôt de me déshabiller, me nourrir à peine, et lire seulement. Dans la maison d'une autre, les livres d'une autre, car il ne suffit que de cela pour voir sa propre vie différemment.
D'ici je trouve que ma famille est puissante et saine, je trouve le Moodkit bien lourd et les hommes bien mal élevés. Dans l'indulgente lumière qui traverse la maison et qui se pose sur moi avec douceur, je me dis que je dois encore trouver le courage d'avancer dans le noir. Je commence le livre que Jiann-Yuh m'a offert : "Elle s'appelle Papillon", et j'ai hâte de savoir de quoi cette femme est capable.
Rédigé à 10:27 dans J'aime les enfants, J'aime les guides, J'aime les histoires, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (4)
Prendre l'air, s'éventer l'esprit pour libérer un parfum de manque. Ressentir autre chose, car il est possible de ressentir autre chose. Quelque chose de subtil, olfactif, mais pas que. Quand je suis chez mon père mon odorat est en éveil permanent et me communique un million d'informations. Je ne trie pas, je récolte. Frigo, beurre, fromage, Rocamadour. Cuisson, saussice, courgette, ail, persil, romarin, pain. Chien, poils, terre, chat, aigre. Peau, père, parfum. Paulette, crème Payot, corps. Bouquet, roses, menthe. Herbe, sèche, eau du robinet qui goutte dans l'herbe. Livre, papier, rassurant bonheur.
Une goutte de transpiration aussi se libère. Était-il possible qu'une goutte d'eau sorte ainsi de mon ventre, au dessus du nombril. Le soleil, cet oublié, redevient alors miraculeux. Je regarde cette goutte presque stupéfaite des ressources du corps. Vider un peu le vase et le remplir d'eau fraîche. Flambante neuve. Brûlante peau neuve.
Trois jours, trois livres : Se perdre, Stella Corfou et sa femme. J'aime Annie Ernaux, elle écrit : "Je ne suis pas culturelle, il n'y a qu'une chose qui compte pour moi, saisir la vie, le temps, comprendre et jouir". (se perdre) On se comprend elle et moi. Elle me débloque. Elle me décomplexe. J'écris dans mon cahier "Impossibilité du bonheur à ramasser, la terre me semble alors trop basse."
Tout est beau là-bas.
Retour ici.
Tout reste à vivre.
Tableau Sarah Stokes, "Fly Me to the Moon"
Rédigé à 20:09 dans J'aime les artistes, J'aime les histoires | Lien permanent | Commentaires (2)
Un jour viendra, inattendu, où l'on s'aimera simplement. Dans l'attente, veuillez recevoir cher monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.
Dessin Egon Schiele
Rédigé à 15:46 dans J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (8)
J'ai oublié de vous raconter quelque chose de presque incroyable, qui a eu lieu lors du dernier atelier d'écriture. On se disait au revoir en se parlant de nos lectures du moment, et de celles à venir. Je pense qu'inconsciemment je devais avoir envie de résister à cette séparation qui me semblait insurmontable, en livrant, alors, le plus déchirant des appels au secours. J'expliquais ainsi à mes camarades de jeux que, depuis un an maintenant, je m'efforçais de lire un maximum de femmes écrivains, car j'avais réalisé que ma bibliothèque était massivement masculine. Pour moi, il ne faisait donc nul doute que les femmes avaient moins de place que les hommes et je prononçais cette phrase terrible : la littérature et la poésie féminines sont inférieures à celles des hommes.
Bang ! Oui... Moi... J'ai dit ça.. et je m'entends encore le dire. À l'heure de quitter la table d'exercice pour me lancer, pourquoi pas, dans l'aventure de l'édition, je dégringolais de ma chaise devant tout le monde. Lâchant mes pesants #aquoibon... mes navrants #maissicestvrai #maissijevousledis #lesfillesçavautrien #jevauxquedallemoiavecmapoesie...
Je les ai aimé, car ils se sont révoltés. Outrés qu'ils étaient de m'entendre argumenter de telles âneries. J'ai aimé leurs claques, j'ai aimé leur saut d'eau sur la tête, j'ai aimé les coups de pieds aux fesses. Je manquais d'ambition et je voulais partager ma croix avec toutes les femmes écrivains... Médiocre...
Une guerrière sans ambition remporte des victoires sans butin.
Je persiste à penser que dans l'inconscient collectif un texte de femme a forcément moins de valeur que le texte d'un homme... Mais l'inconscient collectif, voilà un magnifique champs de bataille, non ?
Rédigé à 22:49 dans J'aime les histoires, J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (11)
Je m'amuse de mes pseudo idées noires, et objectivement, il y a de quoi rire. Je m'étais préparée, pour je ne sais quelle obscure raison, à passer un week-end pourri. J'avais achevé un texte et j'angoissais de ne plus jamais avoir d'autre inspiration. Je disais au revoir à mon atelier d'écriture et à toute cette précieuse énergie qui m'avait tant portée, et je me préparais à dépérir, sans appétit... Drôle d'idée.
Car c'était sans compter sur ma nature péniblement enthousiaste, qui ne peut s'empêcher de rire dès qu'il y a un rayon de soleil et quelques amis. Il suffisait donc d'une tranche de pâté et de quelques cornichons en terrasse du Bellerive pour que le geyser se remette à cracher !!! Les idées, les envies, l'appétit... Alors j'ai tout raflé : les honneurs, les encouragements et même la coupe... de pétanque !
Et voilà ! Merci mes amis. Je ne vous dis pas assez merci pour votre inspirante présence. Alors je continue, et je cours en hurlant oui oui oui !!!!!! J'en ai tellement envie.
Rédigé à 13:17 dans J'aime les idées | Lien permanent | Commentaires (0)