Quelle est donc cette émotion qui me submerge quand je lis un interview de Christian Bobin ce matin ? Quels mots exactement m'arrachent des larmes à l'heure simple du café ? La vérité sur le véritable ? Ce pas de côté nécessaire, derrière le miroir, pour voir enfin ce qui reste, qui était pourtant là depuis toujours, enfoui sous nos idées d'ailleurs. Je vous donne le lieu cartographié de ma première larme, il y en a eu tant d'autres à suivre son chemin...
Propos recueillis par François Busnel, publié le 11/02/2013 sur lexpress.fr
Les esprits grincheux vont encore dire : "Vous êtes devenu mièvre, Christian Bobin..." Que signifie cet éloge des marguerites dans un pré, des planètes lointaines, du plâtrier qui siffle?
[Il éclate de rire.] Mais la réponse est très simple : nous n'avons que ça. Nous n'avons que la vie la plus pauvre, la plus ordinaire, la plus banale. Nous n'avons, en vérité, que cela. De temps en temps, parce que nous sommes dans un âge plus jeune ou parce que la fortune, les bonnes faveurs du monde, viennent à nous, nous revêtons un manteau de puissance et nous nous moquons de cette soi-disant "mièvrerie". Mais le manteau de puissance va glisser de nos épaules, tôt ou tard... Non, je ne suis pas mièvre. Je parle de l'essentiel, tout simplement. Et l'essentiel, c'est la vie la plus nue, la plus rude, celle qui nous reste quand tout le reste nous a été enlevé. Je vais à l'essentiel. Je ne fais pas l'apologie de quelque chose qui serait simplet. La marguerite dans son pré, le plâtrier qui siffle, les planètes lointaines : voilà, au contraire, quelque chose qui est rude, émerveillant, parce que ces choses résistent à tout.
Christian, ce matin, je vous offre un bouquet de mes fleurs bleues.