Je demandais à mon fils ce qu'il avait préféré de nos aventures au Maroc. Comme un enfant de neuf ans, il me répondit avec enthousiasme : "tous les copains que je me suis fais là-bas". Je ne vous cache pas que, bien entendu, tout en souriant, je grinçais intérieurement, car n'aurait-il pas été mieux qu'il me répondit "le désert !", "la traversée de la palmeraie dans la vallée du Draa !", "nos errances dans le souk de Marrakech"... Bref, je m'étais donné un mal fou à multiplier nos aventures et il ne retenait que ses petits copains. Je restais donc dans mon coin à bouder. Il ne remarqua rien.
Puis je fis le même exercice sur moi... Quel jour avais-je préféré ? Je repassais en revu les paysages, les odeurs, les saveurs et puis le souvenir apparut, brillant comme une étoile du berger, fidèle toute une vie. C'était une nuit.
Dans la nuit du désert de Chegaga, nous étions une trentaine de voyageurs de nationalités différentes, allongés sur des tapis et coussins épars. Nous finissions le dîner en buvant du thé et en profitant de ce temps pour observer les étoiles. Quelques lanternes éclairaient à peine le visage de ceux qui en étaient tout près. Je distinguais juste le visage de mes deux voisins allemands, je devinais les silhouettes des autres, mais rien de certain. Le doux vent du soir s'est chargé lui-même de porter à mes oreilles les paroles d'un français plongé dans le noir qui partageait avec ses amis de récentes découvertes scientifiques. Sa voix était reconnaissable entre toutes : calme, confiante, posée. Je l'imaginais allongé comme moi, la tête sur l'oreiller, et le regard plongé dans l'océan céleste.
Les deux très beaux motards allemands, ingénieurs mécaniciens chez BMW et Mercedes me ramenaient souvent à mon tapis, forçant leur énergie toute virile à me séduire... Se rapprochant de mon coussin pour me montrer la grande ourse... J'avais l'impression d'avoir déjà vécu cette scène mille fois dans ma vie et sans doute aussi dans mes rêves, rien de surprenant. Mais étais-je venue de si loin pour vivre l'attendu ? Je leur en voulais de me détourner de l'aventure, la vraie : Partager le rêve de l'autre, entrer dans son univers scientifique dont j'ignorais tout.
Lassée des deux coqs, je leur tournais définitivement le dos, les laissant stupéfaits d'une telle grossièreté. Ils ne s'attendaient pas à ça d'une française ! Ils ne s'attendaient pas à ça d'une mère célibataire ! Ils ne s'attendaient pas à ce que je ne m'intéresse pas au vrombissement de testostérone offerte. Je n'avais qu'à choisir celui qui était le plus à mon goût et je m'en fichais. En mettant fin à leur petit jeu, je les renvoyais à leur propre grossièreté : le sexe vain d'une nuit.
Je rattrapais donc en route le fil de la voix longue qui concluait sur cette découverte fondamentale qui nous forçait désormais à concevoir différemment notre rapport au monde : "le besoin de x"
Le besoin de x, expliquerait enfin ce qui anime l'humain dans le principe de découverte, et d'une manière scientifique expliquerait l'existence de Dieu... Evidemment, je vous laisse ici aussi frustrés que je le suis, car j'imagine combien vous aimeriez en savoir plus. Sachant que je retranscris certainement mal son propos et qu'il est même probable que je le déforme. Depuis que je suis rentrée, je cherche à en savoir plus, mais rien ne ressort dans Google alors je regarde en ligne des conférences de mathématiciens, comme Cédric Villani, pour tenter de retrouver la piste du besoin de x... Je vais continuer de me renseigner et de trouver des ouvrages sur la question, mais en attendant, j'entends encore l'échos de ce besoin fondamental et je vois encore les étoiles.
J'en voudrai longtemps à ma lunatique timidité de ne pas avoir trouvé le courage d'aller percer le secret de l'obscurité et de ne pas avoir su, lequel dans la lumière du petit déjeuner, m'avait tant fait rêvé cette nuit là.
Il y a sans doute des milliers de souvenirs qui resteront en moi de ce voyage avec Swann, mais ce que mon fils a compris intrinsèquement, avant moi qui suis encombrée de tant de préjugés, c'est que le plus important ce sont les rencontres, celles qui nous éveillent à de nouveaux désirs.
image vue chez Corrinne
PS : Me voilà obligée de rajouter un Post Scriptum à cet article car grâce à Denis, lecteur assidu de mon blog, et fin connaisseur du charme poétique de ma dyslexie... Je suis abasourdie d'apprendre que ce que j'avais entendu comme le BESOIN DE X, n'était autre que le BOSON DE HIGGS en fait... Dans la communauté scientifique, on le surnomme "la particule de Dieu". Mais dans la pénombre, et hors du contexte, seule la musique de la poésie de cette découverte était montée jusqu'à mes oreilles... je vous laisse donc découvrir le Boson de Higgs dans cet article de Libération, expliqué par le Physicien Michel Spiro. Accrochez-vous, c'est sublimement complexe ! je quote un peu l'article pour vous donner un avant-goût :
(...) Le boson de Higgs constituait le chaînon manquant - la seule particule encore non détectée - du Modèle Standard qui permet de décrire et comprendre le monde qui nous entoure, du moins pour ce qui concerne les particules élémentaires. En outre, il y joue un rôle déterminant, puisque c’est le champ de Higgs et ce boson qui sont censés «donner» leur masse aux particules de matière, tandis que les photons, les particules de la «lumière» - l’ensemble du rayonnement électromagnétique - en sont dépourvues.(...)