Plus que 10 jours et ce sera mon dernier séjour à l'Atelier de Laurence Cossé. J'appréhende ce moment de chute libre comme si on allait m'enlever les gardes-boue. J'ai tellement appris, tellement pris, j'ai peur d'oublier combien j'ai aimé ça.
Je bloque un peu avec mon histoire de Jésus et je dois absolument la terminer avant le dernier cours. J'en suis à la moitié, quand il a sa crise existentielle et qu'il n'arrive pas à être un homme... Mais qu'est-ce que j'en sais, moi, de ce que ça représente "l'affaire homme"... En fait, je n'arrive pas à le sortir de son marasme. Je me demande ce que je pourrais bien inventer pour qu'il sorte de son ivresse des profondeurs...
"Il avait choisi l’isolement et traversait le désert sans apprécier le voyage. Il était aride, étouffant et rien ne germait. Il avait l’impression de visiter une série d’appartements vides. Il n’était plus chez lui nulle part. Il continuait d’avancer, indifférent aux signes, hébété par sa propre ivresse, animé d’une détermination sans envie. Il avançait pour ne pas se fixer, car il craignait de s’engluer lui-même dans sa maladie. Il appelait de ses vœux le changement et il aurait pactisé avec le diable s’il avait eu la certitude qu’un déclic était possible. N’avait-il pas signé d’ailleurs, sans le savoir, une sorte de lettre d’engagement ? Qu’était-ce au juste cet isolement si ce n’est une fuite en avant ? Il reniait ses amis, sa famille et tout ce qu’il avait construit. Tout cela était vain, mais il n’était pas prêt à entendre qu’il avait besoin des autres. Il lui semblait plus simple de mettre un bon coup de hache et de penser que l’aventure était ailleurs. Alors il s’acharnait à avancer sans voir, et revenait, chaque soir, la tête basse.
Petit à petit, pourtant, une faille dans son abnégation laissait percer un peu de lumière, comme une humilité qui le ramenait pas à pas vers le sens et la beauté. Le voyage n’est pas toujours celui que l’on croit et il commençait à percevoir qu’il ne s’agissait pas de fuir les autres, mais de traverser son propre désert pour y trouver un souffle nouveau. Alors, il se mit à multiplier les efforts, laborieusement, comme s’il avait enfin attrapé par terre un fil qu’il déroulait méthodiquement pour rejoindre la lumière. Il devenait le voyage. Il découvrait de nouveaux possibles, et surtout redécouvrait ce qu’il était vraiment. Ce « moi » non conditionné, délesté de tous ses artifices, malmené, essoré, étiré, avait fini par lâcher. Dépossédé de tous ses rôles, il ne restait plus que l’humain, tout le reste, il le comprenait dès lors, n’était qu'une poignée de sable entre ses doigts. Ici, au milieu du désert tout devenait alors possible, neuf. Comprenant qu’il s’agissait peut-être, là, de sa chance et du sens à saisir."
Bon qu'en pensez-vous ? ça suffit cette lueur d'espoir pour passer à l'étape de la résurrection, ou il va falloir encore lui trouver une nouvelle épreuve à franchir ? Toutes les contributions sont les bienvenues.
C'est bien. C'est ambitieux. Il me manque le reste, que je n'ai pas encore lu.
Difficile de prendre du temps pour t'aider alors que je galère moi-même ;-)
Peut-être qu'il faudrait un évènement déclencheur pour rendre "naturel" son changement d'humeur. C'est tricher, un peu, mais plutôt que tout faire arriver dans sa tête cela pourrait aider de laisser l'environnement aider. Ca va pas et puis il croise un regard, un rayon de soleil, ou même il pense à quelque chose qui déclenche ... Bref j'espère que ça te parle.
Bon courage ! Je regarde quand j'ai plus de temps et j'y réfléchis.
Rédigé par : Louis | 18 juin 2013 à 10:08
C'est bien. Il y a bcp d'images pour moi. Il faut que je le relise dans le contexte.
Rédigé par : Louis | 18 juin 2013 à 10:13
Bonjour Louis, Merci de ton retour. Je suis désolée, je pensais que tu avais lu toutes les nouvelles envoyées la semaine dernière. Du coup, ça doit te paraître incompréhensible cette partie d'introspection… (d'où les images…) Mais ceci étant, ce que tu me dis me fais réaliser que justement je n'arrive pas à lui sortir la tête du //cul//… Je remettre dans la vraie vie. Merci beaucoup en tout cas. Bon courage pour ta nouvelle.
Rédigé par : Fanny - anosenfants | 18 juin 2013 à 10:18
Tu nous en demandes trop... J'ai juste envie de te dire que c'est très beau. À la hauteur de la première partie de la nouvelle. On entend bien ta voix, chaque mot te ressemble, les images sont fortes et surtout on a envie de savoir la suite. Depuis le début on te dit qu'on veut des détails mais en fait je trouve que ça fonctionne avec ton système entièrement introspectif... Je ne sais pas si ça t'aide. Courage.
Rédigé par : L. | 18 juin 2013 à 21:57
Système instrospectif... j'aimerais bien être capable d'en sortir parfois... Ce Jésus me donne du fil à retordre ;-) Merci mille fois de tes encouragements.
Rédigé par : Fanny - anosenfants | 20 juin 2013 à 08:40
Concernant ton blocage : est-ce en fin de compte une "affaire d'homme", "d'homme" seulement ? Il me semble que ce doit être l'affaire de tous, c'est la même problématique pour une femme, car il s'agit de l'universel de l'humain.
Tu sais combien j'aime cette histoire, et ce personnage, qui m'émeut énormément, je crois que l'on peut se retrouver en lui par divers aspects, dans ses doutes, dans son mal-être, dans dans son appétit de vivre aussi. Alors je sens bien son marasme et son "ivresse des profondeurs", que nous partageons, et que nous avons tous éprouvé à un moment ou à un autre. Pour moi, la réponse est simple : quand il n'y a plus rien, il y a toute la place pour l'amour ! De même que Jésus Christ a été définitivement sauvé par l'amour (autant celui qu'il porte à l'humanité entière que celui à l'égard de Marie-Madeleine), de même Jésus Cortes devrait être sauvé par l'amour, mais un amour humain, humble, fini, qu'il porterait à un être humain, une femme ou un homme, peu importe.
Et pour cela, il faut que tu lui donnes de la présence, qu'il habite son corps, qu'il vive pleinement sa matérialité, en oubliant tous ces tourments d'ordre intellectuel ou abstrait…
Voilà, c'est ça : en tant que lecteur, j'aimerais que tu quittes l'abstraction, la généralité, le survol d'une existence vue de loin… Qu'entends-tu par "redécouvrait ce qu'il était vraiment" ? "Dépossédé de tous ses rôles, il ne restait plus que l'humain" ? Qui est-il vraiment ? Quel humain ? A toi de nous le dire, de nous le décrire, dans un vécu physique, ici et maintenant… Comment pourrait-il ressusciter sinon en apprenant à s'approprier à nouveau son enveloppe charnel, ses sens, ses sensations ? Dis-nous s'il trouve goût à ce qu'il mange, à l'eau qui le désaltère, à la douceur et l'odeur de la femme qu'il tient dans ses bras… Qu'est-ce qui se passe quand on ne fait plus d'effort, quand on se laisse aller à simplement exister, qu'on lâche prise pour qu'affleure l'essentiel de ce qu'on est ?
J'espère que cela pourra t'aider…
Rédigé par : Jiann-Yuh | 20 juin 2013 à 14:50
Merci mille fois, d'avoir pris le temps de me répondre. Je sens bien que ce Jésus a les moyens de toucher des lecteurs, mais je sens bien aussi que je suis son principal obstacle. Disons que j'ai pour ce personnage des ambitions qui me dépassent. Je suis d'accord avec toi que seul l'amour permettra à ce Jésus de prendre toute sa mesure, et j'y travaille. En revanche, je me suis un peu bloquée avec un narrateur extérieur qui nous raconte l'histoire de Jésus. Je vais voir comment lui donner plus de corps, mais ce n'est pas si simple dans mon partit pris narratif. En tout cas merci encore de ton temps et de ce regard. J'espère que tu trouves les mots pour ta nouvelle. J'ai hâte de te lire.
Rédigé par : Fanny - anosenfants | 20 juin 2013 à 15:20